Bilan de la phase 2 du débat

 

Déroulement du débat

Le débat sur le projet de liaison routière Fos-Salon s’est ouvert en septembre, après une phase de préparation de plusieurs mois pendant laquelle la commission particulière du débat public (CPDP) a rencontré de nombreux acteurs et habitants du territoire. Ces premiers contacts ont poussé la CPDP à donner au débat l’objectif de répondre à une question large, qui sous-tendait les premiers échanges :

Se déplacer demain dans l’ouest de l’étang de Berre : quelles perspectives ?

Photo : Atelier du panel de citoyen, Octobre 2020

En effet, la mise en service du projet, s’il est réalisé, est à échéance 2030. Cet horizon suscite beaucoup d’interrogations plus larges que celles concernant strictement la liaison routière. Cet horizon concerne au premier chef les jeunes générations. Aussi la CPDP a demandé à une classe de 2nde du lycée Fontlongue, à Miramas, de travailler pour rédiger un cahier d’acteurs. Les élèves y travaillent depuis la fin septembre et ils présenteront leurs réflexions à la clôture du débat. La CPDP a également constitué un panel de 17 habitants du territoire, tirés au sort, pour y réfléchir et produire un cahier d’acteurs.

Il s’agit de donner la parole à de simples citoyens, pas seulement aux organisations, entreprises, collectivités qui ont déjà eu l’occasion d’être conviées par l’État à des concertations sur le projet.À cette fin, dès septembre, nous avons été à la rencontre de la population de l’Ouest de l’étang de Berre. Nous nous sommes rendus sur les marchés de Miramas et de Fos, devant la mairie de Grans, devant le Géant-Casino à Istres ou à la gare de Salon. La CPDP s’est rendu compte que beaucoup d’habitants ne connaissent pas le projet, et encore moins le débat public autour de ce projet, mais que la question du débat : Se déplacer demain dans l’ouest de l’étang de Berre : quelles perspectives ? suscite beaucoup de réactions et d’envie d’échanges. Nous avons organisé une réunion publique dans chacune des villes sur le tracé pour que le public puisse prendre connaissance du projet de la DREAL, interpeller le maître d’ouvrage et poser toutes les questions.

La première phase du débat a mis en évidence l’attente d’une vision globale et prospective. Les quelques constats que la CPDP a exposés à la première plénière du débat, le 28 septembre à Miramas, en présence de la présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP), Mme Chantal Jouanno, l’ont soulignée. Le préfet de Région, le président du port, des élus représentant la Métropole et le Département, des maires, des responsables associatifs ont répondu à cette préoccupation au cours d’un échange très riche avec tout le public.

Voir le compte rendu de la première plénière

La 2ème phase du débat

La deuxième phase a permis d’approfondir les questionnements formulés et d’interroger la cohérence des politiques publiques avec 5 forums thématiques, en octobre et début novembre, réunissant au total plus de 300 participations en salle et en ligne.

Le confinement a contraint la commission à tenir les deux derniers à distance, sur Internet.

Quelle vision partagée du devenir du territoire ?

L’incertitude sur l’avenir, liée à la crise sanitaire et à ses conséquences économiques et sociales, l’horizon 2030 et au-delà des politiques de lutte contre le réchauffement climatique dans lesquelles se situer pour examiner le projet de liaison routière Fos-Salon, rendent difficile l’expression d’une vision partagée du territoire. Cela explique les sentiments ambivalents vis-à-vis du projet de liaison routière Fos-Salon. D’un côté, prévaut un sentiment d’urgence pour résoudre les problèmes de congestion, améliorer la sécurité et la qualité de l’air, la nécessité d’un rattrapage par la construction d’une infrastructure prévue depuis cinquante ans. D ‘un autre côté, se sont exprimées beaucoup d’interrogations sur la manière de le faire pour que cela soit utile pour tous et que le projet réponde aux enjeux actuels et à long terme du territoire. Dans le débat, personne ne remet en cause la nécessité du développement économique — que tous n’identifient pas à la croissance économique sans fin — mais des conditions sont formulées, portant principalement sur :

  • un développement équilibré de tous les modes de transport pour répondre aux besoins des personnes et des marchandises ;
  • la pollution et ses conséquences sanitaires : « la population a payé un lourd tribut », « ça ne peut plus durer », a-t-on souvent entendu. L’action est urgente pour sauvegarder la santé des populations ;
  • l’équilibre des ressources naturelles de ce territoire, particulièrement l’eau : sa fragilité ne peut plus être ignorée, d’autant plus que le changement climatique accélère la vulnérabilité des ressources.
Photo : Forum « Transports et changement climatique » du 07/10/20 à Martigues

C’est pourquoi le débat a fortement fait apparaître la nécessité d’appréhender le développement économique, le développement du territoire, la préservation de la santé et des ressources naturelles comme les éléments d’un même système territorial. Les participants ont souligné que le développement économique ne suffit pas comme projet de territoire, l’emploi ne peut plus être opposé à la santé, le développement du territoire ne peut s’envisager sans conjuguer développement économique et préservation de l’environnement. Cette réflexion a traversé toutes les réunions du débat public, en particulier celle sur « transports et changement climatique »

Comment les 5 objectifs du projet affichés par le maître d’ouvrage peuvent-ils être menés de front ? La réalisation du projet ne va-t-elle pas encourager l’implantation de nouvelles zones logistiques, grandes consommatrices de foncier et nouvelles sources de pression sur les ressources naturelles ? Ne va-t-elle pas favoriser l’extension urbaine très favorable à l’usage de la voiture, rendant plus fragiles les possibilités de transition vers les modes doux et les transports collectifs ? Est-ce que les politiques publiques de l’État, des collectivités sont bien cohérentes entre elles pour répondre à ces enjeux ? Le débat a fait ressortir que le projet de liaison routière n’est qu’une des « pièces d’un puzzle » englobant plus largement le devenir de l’aménagement du territoire, le développement économique, les pressions que cela fait peser sur le territoire et ses ressources dans un contexte de changement climatique, le développement des différents modes de transport pour satisfaire aux multiples besoins de mobilité individuelle et de déplacements des marchandises.

Mobilités, développement du port et de la ZIP et aménagement du territoire

La deuxième phase du débat a mis en évidence la dimension plurielle des mobilités : pluralité à la fois dans leur nature — mobilités quotidiennes (navettes domiciles travail, vie locale) et transports des marchandises —, mais aussi pluralité dans les modes de transport.

Photo : Une participation importante au forum du 14/10/20 à Port-Saint-Louis,
« Port, logistique et place des différents modes de transport »

Le projet de liaison routière devra prendre en considération ces usages multiples et s’insérer dans une approche multimodale (route, rail, fluvial, étang). Il a souvent été exprimé dans le débat qu’il ne s’agit pas d’une route pour les seuls camions mais aussi pour les habitants du territoire. Au cours des deux forums thématiques, l’un consacré aux transports des marchandises, l’autre consacré aux mobilités du quotidien, les participants ont mis l’accent sur deux grandes orientations :

  • La liaison Fos-Salon doit s’envisager couplée à des solutions complémentaires concernant les déplacements quotidiens et le transport des marchandises ;
  • La responsabilité de l’État est attendue dans la mise en œuvre, conjointement à l'avancement du projet de liaison routière, de cette synergie de solutions.

Concernant les marchandises d’abord, divers participants ont souligné que :

  • la compétitivité du port se joue à terre, en particulier grâce à la massification des flux. Celle-ci doit également être recherchée pour favoriser le transfert de la route vers le fer et le fluvial. Dans cette optique, l’amélioration de la desserte routière est indispensable pour « le dernier kilomètre » du transport combiné comme pour les flux non massifiés ;
  • Le ferroviaire doit bénéficier d'une priorité en termes d’investissements au moins égale à celle du projet routier : modernisation du triage de Miramas ; doublement de la voie ferroviaire portuaire ; accompagnement de l’« alternative fret ferroviaire » de la Métropole, avec le service public local de fret ferroviaire prévu au schéma logistique multimodal du PDU.

Concernant la vie locale, le débat a fait ressortir :

  • la place du projet de liaison routière comme un élément parmi d’autres projets pour les déplacements, modes doux et transports collectifs à penser et à développer en parallèle : il ne constitue pas l’armature dont dépendrait les autres projets, leur réalisation doit être envisagée conjointement dans une réelle approche multimodale. Certains acteurs qui se sont exprimés pendant le débat sont porteurs de propositions allant dans ce sens, de la Métropole au monde associatif ;
  • le souhait de voir réactiver les réflexions sur le transport collectif des salariés, encore trop peu développé par les entreprises de la ZIP ;
  • l’attente forte de la mise en œuvre du plan vélo de la Métropole en prenant en compte les propositions des associations ;
  • la nécessité de la réalisation des liaisons urbaines à haut niveau de service prévue au plan de déplacement urbain (PDU) de la Métropole pour lutter contre l’usage de la voiture en solo (l’autosolisme) et une exploitation de la liaison routière le favorisant.

En conclusion, les échanges sur les mobilités, le développement du port et de la ZIP et l’aménagement du territoire ont permis aux participants de s’accorder sur le fait que qu’il faut d’abord penser les déplacements à partir du territoire et de ses activités.

Environnement, pollution et santé

Photo : Forum « Pollutions et santé », en ligne, le 03/11/2020

Les questions d’environnement, de pollution et de santé ont été traitées lors de différents forums thématiques, en particulier ceux sur « Environnement et ressources naturelles » et sur « Pollutions et santé ». Les nombreuses expressions ont permis d’aborder plusieurs thèmes :

- Tout d’abord, la mise en perspective du projet de liaison routière Fos-Salon l’inscrit dans le contexte des politiques sanitaires nationales, avec le 4ème Plan national santé environnement (PNSE4), proposant une approche intégrée « Un monde, une santé » actuellement en consultation publique, et dans le contexte local de fortes préoccupations sur l’état sanitaire de la population du pourtour de l’étang de Berre. En effet, de nombreuses études et programmes de recherche ont abouti ces dernières années (programme Aigrette en 2006, études participatives en santé-environnement ancrées localement (Fos EPSEAL I 2015 et II 2018/2019), projet SCENARII en 2015, étude INDEX en 2016), ouvrant des pistes pour mieux sauvegarder la santé des populations.

Il découle de cette mise en perspective un questionnement fort sur la capacité du projet routier Fos-Salon à suffisamment prendre en compte l'état sanitaire global du territoire, très fortement impacté par les pollutions, d'origine automobile et industrielle.

En raison de l'augmentation du trafic et malgré l'évolution du parc automobile en termes de normes d'émission d'ici 2030, le projet routier permet-il de diminuer la pollution, et ceci quelle que soit la variante ? Il résulte des réponses apportées par le maître d’ouvrage qu’au mieux, en 2030, il éloigne l'émission de polluants des zones habitées, les redistribue géographiquement sur le territoire sans les diminuer globalement (étude ATMO Sud).

- Ont également été évoqués l’équilibre fragile, rendu plus vulnérable par le changement climatique, et les forts enjeux de ce territoire concernant les ressources, ayant un impact sur la santé des populations.

Photo : Forum « environnement et ressources naturelles » du 12/10/20 à Entressen

Le projet de liaison routière, par ses effets cumulés avec ceux d’autres projets, pourrait fragiliser les ressources en eau du territoire, (notamment la nappe phréatique de la Crau : étude Sinergi (Sensibilité de la nappe aux conditions de prélèvements et de recharge & gestion de crise) du SymCrau, 2020), avoir un impact, d'ici 2050, sur l'équilibre de la ressource et l'équilibre de la filière économique du foin de Crau, avoir des conséquences sur l'artificialisation des sols en favorisant à terme l’implantation de nouvelles zones logistiques grandes consommatrices de foncier, y compris agricole et naturel. Plusieurs intervenants ont souligné qu’aujourd’hui les possibilités de compensation (dans la séquence « Éviter, Réduire, Compenser » appréhendant les impacts d’un projet) atteignent leurs limites sur le territoire de l’ouest de l’étang de Berre, et qu’il convient avant tout d’éviter de nouveaux impacts sur l’environnement, de les réduire au maximum s’ils ne peuvent être évités.

Ces conséquences, aggravées par le réchauffement climatique, devront être prises en compte de manière précise dans la décision que l’État prendra sur le projet.

- À de nombreuses reprises a été posé le questionnement suivant : pour répondre à ces enjeux de pollutions et de santé, le projet de liaison routière Fos-Salon met-il suffisamment en avant le développement de l’intermodalité et des mobilités actives ? Par ailleurs, une question est également revenue concernant le manque de végétalisation qui pourrait être incluse dans le projet, favorisant la biodiversité et ayant un impact positif sur le paysage, le bruit et la santé.

La cohérence des politiques publiques sur le territoire

La seconde phase du débat a ainsi permis d’éclairer les diverses dimensions d’une approche globale et multimodale des questions de mobilité et de transports, et d’approfondir la composition du « puzzle » territorial dans lequel le projet de liaison routière prend place. Dans cette exploration, des « alternatives » à prendre en considération en complément du projet de liaison routière se sont fait jour, tant pour les déplacements quotidiens que pour le transport des marchandises. La réalisation, conjointe à l'avancement du projet de liaison routière, d’une synergie de solutions est attendue, et la responsabilité de l’État dans le pilotage d’ensemble a été soulignée pour répondre aux besoins de mobilité et de transports sur le territoire de l’ouest de l’étang de Berre.

Cette deuxième phase du débat a souligné les attentes très fortes en termes de cohérence des politiques publiques sur le territoire et permis d’élargir fortement le cercle des acteurs du projet de liaison routière Fos-Salon, qui devront être inclus dans les concertations à la suite du débat public.

Quelles recommandations pour la décision publique ?

La 3ème phase et dernière phase du débat traitera principalement de cette question. Les trois forums territoriaux — le 7 janvier à Fos-sur-Mer, le 11 janvier à Istres et le 12 janvier à Grans — permettront d’examiner en détail les grandes options du projet (autoroute payante ou non, option autoroutière intermédiaire, voie express) et ses différentes variantes de tracé et d’aménagement.

Voir le calendrier des rencontres

La CPDP mettra également en ligne début janvier un outil cartographique qui permettra à celles et ceux qui le souhaitent de signaler sur la carte les problèmes éventuels soulevés par telles variantes ou tels aménagements.

À l’issue du débat, la Commission particulière rendra compte le plus fidèlement possible des propos et des attentes exprimés dans le débat par toutes celles et tous ceux qui y ont pris part, à égalité de traitement entre simples citoyens, élus, représentants d’institutions, d’entreprises, d’associations. Le compte rendu ne portera aucun jugement sur les propos rapportés et ne formulera aucun avis favorable ou défavorable sur le projet. Ce compte rendu présentera, comme le prévoit la loi, les recommandations formulées dans le débat sur les modalités d'information et de participation du public après sa clôture.

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